Anatolii Dubovyk; Traduction Patrick Le Tréhondat.; Couverture : Kateryna Gritseva
Cette année a marqué le 170e anniversaire d’une femme qui est passé inaperçu mais dont le nom était connu de beaucoup : révolutionnaires ou officiers de police dans divers pays européens, médecins spécialistes et avocats spécialisés dans le droit du travail, militants du mouvement ouvrier et politiciens parlementaires, anarchistes et marxistes, féministes et antifascistes. Elle a fait partie du cercle restreint de Mikhaïl Bakounine à la fin de sa vie et de Pyotr Kropotkine au début de son exil. Elle a connu également les figures de proue des Narodniks révolutionnaires de l’Empire russe, le marxisme européen et surtout le mouvement socialiste italien, de l’un de ses fondateurs, Filippo Turati au jeune Benito Mussolini. Les premières années de sa vigoureuse activité politique se déroulent sur le territoire de l’actuelle Ukraine, principalement à Odessa.
À différentes périodes de sa vie, l’héroïne de cet essai a porté les noms de famille de Makarevich, Costa et Kuliscioff, mais son nom de famille à la naissance était Rozenshtein. Anna Moiseyevna Rozenshtein est née le 28 décembre 1853 (9 janvier 1854 selon le calendrier grégorien) à Simferopol, dans la famille d’un marchand, citoyen d’honneur [1]. Elle est diplômée du lycée féminin de Simferopol et, en 1872, elle part pour la Suisse avec sa sœur aînée (peut-être sa cousine) Maria afin de poursuivre ses études. Les deux sœurs entrent à la faculté de philosophie de l’université de Zurich, tandis qu’Anna étudie l’ingénierie à l’école polytechnique de Zurich. À l’automne 1872, elles rejoignent toutes deux le Cercle zurichois des bakouninistes russes. Cependant, Anna n’a pas pris une part active dans les activités du cercle : le leader du groupe, Mikhail Sazhin, ne l’a jamais mentionnée dans ses mémoires écrites 60 ans plus tard ; Anna Rozenshtein n’est mentionnée que dans une annexe à ses mémoires, dans la liste des membres du groupe établie au cours de son existence. En revanche, Sazhin se souvient de Maria Rozenshtein comme ouvrière de l’imprimerie bakouniniste [2], [pp. 67, 77-78].
La participation passive d’Anna au cercle de Sazhin s’explique peut-être par des circonstances personnelles : elle assiste également aux réunions du cercle des frères Zhebunev (« les Zhebunistes »), où elle rencontre un étudiant, Pyotr Makarevich. Au début de l’année 1873, Pyotr et Anna se marient et, en février de la même année, ils retournent dans l’Empire russe. Maria Rozenshtein reste à Zurich jusqu’à l’été 1873, puis repart elle aussi dans son pays d’origine, après quoi sa trace se perd [3].
Après avoir vécu quelques mois à Moscou, les Makarevitch s’installent à Odessa et rejoignent la branche locale des Narodniks révolutionnaires, le Cercle Tchaïkovski (les Tchaïkovtsy). C’est par leur intermédiaire que le cercle Tchaikovtsy d’Odessa prend connaissance des idées anarchistes de Mikhaïl Bakounine, et bientôt presque tous deviennent des partisans du bakouninisme. Seuls les fondateurs du groupe, Felix Volkhovsky, et Solomon Chudnovsky restent du côté du socialisme d’État, ce qui ne les empêche pas de continuer à collaborer avec les anarchistes.
Les Tchaikovtsy d’Odessa ont été les premiers en Ukraine à passer de l’auto-éducation à la propagande auprès de la population – d’abord, au cours de l’été 1873, parmi les artisans urbains et les ouvriers d’usine, puis, au début de l’année 1874, parmi les paysans. À l’automne 1873, jusqu’à 200 ouvriers participent à des cercles de propagande. Leurs réunions se tiennent dans les appartements d’Andrey Franzholi et des Makarevich ; les rapports et les exposés sont généralement présentés par Pyotr Makarevich et Andrei Zhelyabov [4] [4, pp. 63, 66-67]. Anna aidait son mari dans ce travail, ainsi que dans l’organisation de la livraison des publications étrangères, y compris le livre de Bakounine, Étatisme et anarchie.
Au début de l’année 1874, presque tous les Tchaikovtsy partent pour différentes provinces d’Ukraine : c’est le début du « mouvement vers le peuple », une tentative des socialistes de passer à la propagande et à l’organisation directement auprès de la paysannerie. Les Makarevitch restent à Odessa sur décision du cercle : ils sont chargés de maintenir les liens avec les propagandistes et les cercles extérieurs qui vont vers le peuple, de leur fournir de la littérature et de poursuivre la propagande auprès des ouvriers [4, p. 67]. Le couple s’attelle à cette tâche jusqu’au milieu de l’été.
En juillet 1874, Anna part pour Kyiv afin d’y organiser des activités, laissant son mari à Odessa. Leur séparation devait être de courte durée, mais le couple ne s’est jamais revu. En août, le département de la gendarmerie d’Odessa reçoit un rapport faisant état de rassemblements suspects dans l’appartement des Makarevitch, et Pyotr est arrêté. Plus tard, il est jugé dans le « procès des 193 » et condamné à l’exil en Sibérie ; en 1883, Pyotr Makarevich obtient le droit de résidence permanente, après quoi il travaille dans les services ferroviaires de diverses villes de Sibérie et d’Extrême-Orient [5]. La dernière mention de lui remonte à 1911.
Anna est impliquée dans l’enquête dans l’ »affaire de l’appartenance au cercle révolutionnaire d’Odessa et de la distribution de livres interdits », mais elle reste introuvable. Elle se cache et vit sous des noms d’emprunt à Kherson et à Kyiv. En octobre 1874, elle se rend à Odessa et tente d’organiser l’évasion de Felix Volkhovsky, mais sans succès. De retour à Kyiv, elle rejoint les bakouninistes du groupe « Commune de Kyiv » qui ont échappé à l’arrestation et, au cours de l’hiver 1874-1855, elle rejoint le groupe nouvellement formé des « Pivdenni Buntari » (Rebelles du Sud) [6] [6, p. 62].
En mars 1876, les Pivdenni Buntari ont tenu une assemblée générale dans la ville de Smila, dans le district de Tcherkassy, où ils ont élaboré un plan d’action pour préparer un soulèvement paysan. La plupart des membres du groupe devaient s’installer dans différents villages de la région de Tchyhyryne, nouer des liens avec les paysans locaux et créer parmi eux des « escadrons de combat ». Plusieurs « buntars » reçoivent des missions spéciales, notamment Anna Makarevich qui doit se rendre à l’étranger pour obtenir du matériel d’imprimerie pour le groupe. Anna reçoit son passeport de son amie, la bakouniniste de Kyiv Olena Kosach (la tante de Lesya Ukrainka).
Au printemps 1876, Makarevich retourne en Suisse. Elle passe quelque temps dans la maison de Bakounine et lui parle des projets des Pivdenni Buntari, notamment de l’intention d’utiliser de faux manifestes tsaristes pour faire de la propagande parmi les paysans. Bakounine, qui n’avait plus que quelques semaines à vivre, était très négatif à l’égard de ces projets : « On ne peut pas coudre un costume noir avec des fils blancs, ils apparaîtront immédiatement à toutes les coutures » [7] [cité dans : 7, p. 163].
En juin 1876, la presse achetée est livrée démontée en Roumanie, mais Anna ne parvient pas à la faire passer clandestinement. La presse doit être laissée sur place (elle n’arrivera à destination que l’année suivante), et Makarevitch rejoint les mains vides l’Empire russe. En août, elle participe au deuxième congrès des Pivdenni Buntari, qui se tient dans la forêt d’Osnovianskyi, près de Kharkiv. Il s’avère alors que presque aucun des membres du groupe ne parvient à accomplir pleinement les tâches qui lui ont été confiées et que les critiques de Bakounine sapent complètement l’esprit combatif du groupe. En fait, le congrès se termina par l’effondrement du groupe, et ses anciens membres partirent pour différentes villes ukrainiennes, fondant plusieurs cercles bakouninistes indépendants les uns des autres, qui portaient tous le même nom : Pivdenni Buntari [4, pp. 125-126 ; 6, p. 64].
À la fin de l’année 1876, Anna Makarevich vit à Odessa et, en 1877, à Kyiv, dans l’appartement d’Olena Kosach, avec un passeport au nom d’Anna Ivanova. À cette époque, elle n’est pas impliquée dans les cercles révolutionnaires, mais elle garde des liens avec leurs membres, notamment avec la partie du Pivdenni Buntari qui continue à préparer un soulèvement paysan dans la région de Tchyhyryne. Lorsqu’à la fin du mois d’août 1877, les autorités se mettent sur la piste de la « conspiration de Tchyhyryne » et commencent à arrêter ses organisateurs, Anna doit à nouveau se cacher. Comme un an et demi plus tôt, Kosach l’aide à obtenir un passeport. En septembre 1877, Anna Makarevich part à l’étranger, et ce pour de bon.
À partir de l’automne 1877, Anna Kuliscioff, qui porte désormais ce nom de famille, vit à Paris. Elle y rencontre l’émigré italien Andrea Costa, l’un des fondateurs du mouvement anarchiste italien, dont elle devient bientôt l’épouse. En mars 1878, l’ancien prince russe Piotr Kropotkine s’était également installé à Paris, et il s’attela immédiatement à la tâche très difficile de faire renaître le mouvement socialiste en France, qui avait été écrasé après la chute de la Commune de Paris en 1871. Jules Guesde et Andrea Costa devinrent les plus proches camarades de Kropotkine en matière de propagande et de création de cercles ouvriers [8] [8, p. 386]. Anna Costa-Kuliscioff prend la part la plus active du travail de son mari, et la police française ne peut évidemment pas ignorer cette « activité subversive ».
En avril 1878, Andrea et Anna Costa sont arrêtés sous l’accusation d’appartenir à la Première Internationale (qui avait cessé d’exister un an plus tôt). Ils risquent une longue peine de prison, mais l’intervention de l’opinion publique les aide : le célèbre écrivain russe Ivan Tourgueniev fait partie des personnes qui demandent au gouvernement français de libérer le couple anarchiste [9]. En mai 1878, les Costas sont libérés et expulsés « définitivement » de France en tant que sujets étrangers.
À partir de l’été 1878, le couple vit à Florence. Comme de nombreux étudiants de Bakounine, à la fin des années 1870, les Costas revoient leurs convictions révolutionnaires : la stratégie bakouniniste classique consistant à organiser une révolte immédiate des opprimés ne fonctionne manifestement pas, mais l’approche marxiste consistant à organiser des partis ouvriers et à faire élire des socialistes aux parlements semble apporter des résultats tangibles. Finalement, en 1879, le couple annonce sa rupture avec l’anarchisme et se tourne vers la social-démocratie.
La même année, les Costa sont à nouveau arrêtés. Ils passent les 13 mois suivants dans une prison de Florence, où Anna contracte la tuberculose. En 1880, le couple est libéré et expulsé d’Italie. Ils passent environ un an en Suisse, puis retournent en Italie. C’est là, dans la petite ville d’Imola, lieu de naissance d’Andrea Costa, qu’Anna donne naissance à sa fille Andreina.
Comme cela arrive parfois, la naissance d’un enfant n’a pas renforcé la famille, mais l’a fait éclater. En 1881 ou 1882, Anna rompt sa relation avec Costa et retourne en Suisse, où elle entre à la faculté de médecine de l’université de Berne. Ses études et sa petite fille ne lui permettent évidemment pas de mener une vie sociale et politique active, mais Anna ne peut pas non plus l’abandonner. Non loin de Berne, à Genève, il y avait à l’époque un petit groupe d’émigrés russes membres de l’organisation anarcho-narodnik Partage noir (« Chornyi peredel »). Anna connaissait bien ses membres, Vera Zasulich et Lew Deitsch, avec qui elle avait déjà fait partie du groupe Pivdenni Buntari, et elle rencontrait maintenant le leader des Partageux noirs, Georgi Plekhanov. L’ensemble de la communauté genevoise avait suivi la même évolution idéologique de l’anarchisme au marxisme qu’Anna un peu plus tôt, et il est probable que son association avec Plekhanov accéléra cette évolution. En octobre 1883, la communauté genevoise annonce la création du groupe social-démocrate « Emancipation du travail » et son intention de publier de la littérature marxiste en russe. Anna aida de son mieux ce projet d’édition au début de l’existence du groupe [10] [10, p. 170].
En 1884, Anna Kuliscioff (elle a porté ce nom après son divorce avec Costa jusqu’à la fin de sa vie) s’est installée dans le sud de l’Italie pour des raisons de santé. Elle vit à Naples où, un an plus tard, elle obtient son diplôme de médecine et suit des cours complémentaires de gynécologie à Turin et à Padoue ; elle fait des recherches sur la fièvre puerpérale et rédige plusieurs articles scientifiques sur le sujet. En 1885, elle rencontre un jeune avocat du nom de Filippo Turati et devient son épouse de fait (le couple n’ayant pas d’enfant, il n’a pas jugé nécessaire d’enregistrer officiellement son mariage).
À la fin des années 1880, le couple s’installe à Milan, où Anna ouvre sa propre clinique. Parallèlement, Kuliscioff revient à la vie politique active. Ainsi, en 1889, elle et son mari organisent la Ligue socialiste de Milan, dont elle devient la principale idéologue, ainsi que l’éditrice officielle, la rédactrice en chef et l’auteur principal de la Critica sociale (Critique sociale ; Milan, 1891-1926), « revue des études sociales, politiques, philosophiques et littéraires » (« rivista dei studi sociali, politici, filosofici e letterari » ; plus tard « revue bihebdomadaire du socialisme scientifique, « rivista quindicinale del socialismo scientifico »). La revue a joué un rôle important dans la propagation du marxisme en Italie et a apporté à Anna Kuliscioff une grande popularité dans les cercles de la social-démocratie européenne. Elle correspond avec des personnalités telles qu’August Bebel, Karl Kautsky et même Friedrich Engels, qui apprécient grandement son travail.
En 1892, le Parti socialiste des travailleurs italiens (Partito Socialista dei Lavoratori Italiani, PSLI) émerge de la Ligue socialiste de Milan et, en 1893, Kuliscioff, en tant que représentant du PSLI, participe au congrès de Zurich de l’Internationale socialiste et est élu l’une de ses coprésident.es. Dès novembre 1894, le PSLI est interdit et Kuliscioff et Turati sont condamnés à être expulsés d’Italie, mais leur cas est rapidement réexaminé et le couple n’est condamné « qu’à » trois mois de prison.
En 1895, d’anciens militants du PSLI sont à l’origine de la création du Parti socialiste italien (italien : Partito Socialista Italiano, PSI). Turati et Kuliscioff font partie des fondateurs, mais la revue Critica sociale reste leur publication « privée » plutôt que celle du parti, tout en conservant le statut d’une des publications les plus influentes des socialistes italiens. Les articles sur le féminisme et l’émancipation des femmes occupent une place particulière parmi les travaux de Kuliscioff publiés dans la revue. Critica sociale a été publiée pendant plusieurs décennies, avec une interruption en 1898-1899 : à cette époque, Kuliscioff et Turati ont été arrêtés et jugés dans le cadre de grèves de masse et d’agitation ouvrière. Le tribunal les déclare coupables d’activités subversives antigouvernementales, mais ne les condamne qu’à une forte amende et à une peine de prison de deux ans ; le couple est toutefois libéré un an plus tard à la faveur d’une amnistie.
Au début des années 1900, Turati et Kuliscioff s’imposent comme les leaders de l’aile « réformiste » du PSI, qui contrôle le parti après le congrès de 1902. Anna participe à la rédaction de projets de loi sur le travail des femmes et des enfants, que les socialistes parviennent à faire adopter par le parlement ; en 1911, elle fait partie des organisateurs du Comité socialiste pour le suffrage des femmes.
Un récit détaillé des activités du PSI nous éloignerait de la biographie d’Anna Kuliscioff. Nous nous limiterons au fait que le parti a connu plusieurs scissions, dont une en 1921. Les réformistes sont expulsés du PSI et Turati et Kuliscioff deviennent les organisateurs du Parti socialiste unitaire (italien : Partito Socialista Unitario, PSU). Un an plus tard, à la fin de l’année 1922, les fascistes prennent le pouvoir en Italie et les partis socialistes sont alors interdits. Depuis lors, Anna Kuliscioff a cessé ses activités politiques. Il lui restait moins de trois ans à vivre.
Anna Kuliscioff, née Rozenshtein, également connue sous le nom de famille de son premier mari, Makarevich, et sous le nom de famille de son second mari, Costa, est décédée à Milan le 27 décembre 1925, à l’âge de 72 ans. Les funérailles furent accompagnées d’une manifestation, qui fut probablement l’une des dernières protestations autorisées de socialistes sous la dictature de Mussolini, et d’affrontements sanglants avec les fascistes [11] [11, pp. 105-106].
Cet article a d’abord été publié en ukrainien : Ганна Макаревич між Одесою та Італією (життєвий шлях одної з засновників Італійської соціалістичної партії) // Південний захід. Odessa. Almanach scientifique historique et local. Vyp. 35. Odessa : Bondarenko M. O., 2024. p. 142 à 150.
Notes [1] Макаревич Анна Моисеевна / Деятели революционного движения в России : биобиблиографический словарь. От предшественников декабристов до падения царизма. Том 2. Семидесятые годы. Вып. 3. М-Р. – М. Изд-во ВОПКИС. 1931. [2] Сажин М.П. Русские в Цюрихе. // Каторга и ссылка. 1932. № 10. С. 20-78. [3] Розенштейн Мария Яковлевна / Деятели революционного движения в России : биобиблиографический словарь. От предшественников декабристов до падения царизма. Том 2. Семидесятые годы. Вып. 3. М-Р. – М. Изд-во ВОПКИС. 1931. [4] Рудько Н.П. Революційні народники на Україні (70-ти роки Х1Х ст.). – Київ. Изд-во КГУ. 1973. [5] Макаревич Петр Маркелович / Деятели революционного движения в России : биобиблиографический словарь. От предшественников декабристов до падения царизма. Том 2. Семидесятые годы. Вып. 3. М-Р. – М. Изд-во ВОПКИС. 1931. [6] Дебогорий-Мокриевич В.К. [Автобиография.] / Деятели СССР и революционного движения России. – М. 1989. С. 57-67. [7] Канев С.Н. Революция и анархизм. Из истории борьбы революционных демократов и большевиков против анархизма (1840-1917 гг.). – М. Мысль. 1987. [8] Кропоткин П.А. Записки революционера. – М. Мысль. 1990. [9] Дейч Л. Роль евреев в революционном движении. Том 1. – М., Л. ГИЗ. 1925 [10] Бережанский А.С. Г.В. Плеханов : от народничества к марксизму. – Воронеж. Изд-во Воронежского государственного университета. 1990. [11] Ginzburg N. The Things We Used To Say. – Arcade Publishing. 1999.