Renseignements. Un journaliste espagnol accusé d’avoir espionné des opposants russes

Le journaliste hispano-russe Pablo González a été arrêté en 2022 en Pologne, soupçonné d’espionnage. Alors que des organisations de défense des droits dénoncent son emprisonnement, des informations parues dans la presse russe en exil confortent l’idée selon laquelle l’homme aurait opéré pour le compte du GRU, les renseignements russes.

La dernière fois que Pablo González a fait parler de lui, c’était en février dernier, lorsque la justice polonaise avait décidé de prolonger sa détention provisoire de trois mois, jusqu’au 24 mai prochain. L’ONG de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières (RSF) avait alors dénoncé des conditions de détention très dures et un dossier d’accusation quasi vide.

L’homme, travaillant comme reporter indépendant pour des médias espagnols et basques, est accusé d’“espionnage” au profit de la Russie. Il avait été arrêté en Pologne le 28 février 2022, quelques jours après son expulsion d’Ukraine, identifié comme un agent de la direction générale des renseignements de l’état-major de l’armée russe (GRU) par les renseignements polonais.

Les enquêteurs avaient aussi indiqué que l’homme possédait deux passeports, l’un espagnol et l’autre russe, le présentant comme Pavel Roubtsov.

Infiltration de la Fondation Boris Nemtsov

Plus d’un an après son arrestation, la presse russe d’opposition apporte de nouveaux éléments sur l’affaire. Selon les informations obtenues par le journal en ligne Agentstvo et dévoilées le 2 mai, Pablo González aurait infiltré en sa qualité de “journaliste espagnol” la Fondation Boris Nemtsov, une ONG russe en exil dirigée par la fille du politicien d’opposition assassiné en 2015.

Se basant sur le témoignage de deux sources anonymes, présentées comme proches de la fondation, Agentstvo affirme que les enquêteurs polonais ont trouvé dans les archives digitales du journaliste des preuves accablantes de son activité d’espion : comptes rendus détaillés sur les membres de la fondation, leurs partenaires ainsi que d’autres figures de l’opposition russe – comme le journaliste et homme politique Vladimir Kara-Mourza, tout juste condamné à vingt-cinq ans de prison en Russie.

Ces rapports seraient accompagnés de notes de frais, adressées par Pablo González à des officiers du GRU. Ces révélations semblent tout à fait crédibles aux yeux de Hristo Grozev, enquêteur spécialiste de la Russie du site d’investigation en open source Bellingcat, qui écrit sur Twitter : “Pablo González appartient au nouveau type d’espions illégaux préférés par le GRU – pas de nouvelles identités complètement inventées, mais des identités réelles légèrement modifiées avec un lien légitime avec l’étranger. Moins coûteuses à créer et plus faciles à entretenir.”

Mobilisation des ONG

Né en Union soviétique et fils d’une immigrée communiste espagnole, González-Roubtsov s’établit en Catalogne avec sa mère à l’âge de 9 ans, à la fin des années 1980, avant de reprendre sa nationalité russe en 2003, rappelle Radio Svoboda, service russe de Radio Free Europe/Radio Liberty. Son père est l’un des dirigeants de l’agence de presse russe RBK. Marié à une Espagnole et père de trois garçons, González-Roubtsov a vécu au Pays basque avant de s’établir en Pologne à partir de 2014 d’où il “couvre” tous les conflits post-soviétiques : le Haut-Karabakh, la Transnistrie, la Crimée ou encore le Donbass.

Comme le rappelle le journal russe en exil Meduza, son arrestation a mobilisé plusieurs ONG de défense de la liberté de la presse ainsi qu’Amnesty International. Un soutien que ne semble pas du tout apprécier Hristo Grozev de Bellingcat : en présentant son agent comme un reporter de guerre, le GRU a réussi à tromper des organisations internationales réputées tout en mettant en danger la vie des “véritables” journalistes, affirme-t-il, toujours sur Twitter.