Street.aid.daily. d’Odessa, Patrick Le Tréhondat
9 millions d’Ukrainiens sur une population de 32 millions vivent dans la pauvreté. Environ 25 % des Ukrainiens n’avaient pas assez d’argent pour acheter de la nourriture. Selon l’ONU, environ 7,3 millions d’Ukrainiens sont confrontés à des pénuries alimentaires modérées ou graves, dont 1,2 million d’enfants et 2 millions de personnes âgées. 1 sans-abri sur 4 en Ukraine est une personne déplacée à l’intérieur du pays. Street.aid.daily (SAD) est un collectif de gauche qui aide les sans-abri d’Odessa. SAD se situe une optique intersectionnelle pour parler du sans-abrisme, en tenant compte des conditions de classe, de genre et de race des personnes que le collectif aide. Cela leur permet de développer une approche plus éthique et non hiérarchique de l’aide aux sans-abri. Leur approche est la suivante : « La solidarité, pas la charité ».
Pouvez-vous nous parler de Street.aid.daily et de son histoire ?
Nous avons commencé comme un club de lecture politique en 2020. Après un an de lecture de littérature socialiste et anarchiste, nous avons décidé que ce n’était pas suffisant, que nous devions changer les choses, et nous avons créé un collectif d’entraide axé sur l’aide aux personnes vivant dans la rue.
Quelles sont vos activités ?
En 2022, nous avons lancé notre première campagne de sensibilisation « Sauver les doigts - Protéger la santé », car nous avons remarqué que de nombreux sans-abris souffraient de gelures et d’amputations pendant l’hiver. Nous avons donc commencé à leur fournir des vêtements chauds et des chauffe-mains. Cela fait maintenant deux ans que nous menons des actions de proximité tous les dimanches : nous fournissons aux sans-abri des chaussettes, des sous-vêtements, des produits d’hygiène et des contraceptifs, nous faisons des activités artistiques avec eux et nous leur prodiguons les premiers soins. En plus de notre action sociale, nous continuons à organiser des clubs de lecture de gauche et des projections de films suivies de discussions.
Quelle est la situation à Odessa en termes de pauvreté et d’exclusion sociale ?
La situation des sans-abri à Odessa était déjà mauvaise avant l’invasion à grande échelle et elle s’est encore aggravée après 2022. Notre gouvernement ne parvient pas du tout à empêcher le nombre croissant de sans-abri et n’aident pas les personnes qui vivent déjà dans la rue.
Dans la vidéo de Commons, nous voyons un vétéran vivant dans la rue. Pouvez-vous nous dire qui sont les personnes que vous aidez ?
Nous avons des vétérans vivant dans la rue depuis 2014. Il s’agit généralement de personnes qui ont développé un syndrome de stress post-traumatique pendant la guerre, ce qui entraîne souvent une dépendance à l’alcool et aux drogues comme seul moyen de s’en sortir. Depuis 2022, nous avons vu des cas de sans-abri mobilisés pour combattre pendant la guerre et de vétérans revenant du front et se retrouvant sans-abri.
Des statistiques récentes ont montré qu’une personne sans-abri sur quatre est une personne déplacée à l’intérieur du pays. Les sans-abri ne sont pas un bloc homogène : nous aidons les femmes, les personnes de couleur, les personnes handicapées, les personnes LGBT+.
Dans la vidéo, on voit aussi le squat que vous gérez. Pouvez-vous nous en parler ?
SRZ-2 est un chantier naval abandonné. Dans notre groupe il y a des nombreux artistes, artisans et activistes qui y vivent et y créent. C’est un espace où nous pouvons cuisiner et manger ensemble, rencontrer de nouvelles personnes, développer de nouveaux projets. Nous y organisons notre club de lecture de gauche et des conférences. Cet été, nous y avons organisé notre premier tournoi de basket anti-autoritaire .
Quelles sont les perspectives pour les personnes présentes dans la vidéo ?
Pour être honnête, les perspectives ne sont pas très bonnes. Le nombre de sans-abri ne cesse d’augmenter, comme nous le constatons chaque semaine lors des visites de terrain. Les seuls endroits où ils peuvent se rendre sont les refuges financés par le gouvernement ou par des ONG. Malheureusement, les travailleurs sociaux n’ont pas assez de ressources pour aider les gens, alors ils restent coincés dans la rue pendant des années et des années. En réalité, les gens ne peuvent pas compter sur ces institutions, ils doivent résoudre leurs problèmes de logement la plupart du temps par eux-mêmes. Plus de personnes vivent dans la rue, plus elles ont de chance d’y mourir – telles sont leurs perspectives.
Comment l’Ukraine peut-elle sortir de cette situation de pauvreté ? Que doit faire le gouvernement ? Et s’il ne le souhaite pas, que faut-il faire ?
Créer des logements abordables. Contrôler le marché immobilier pour que les prix des loyers cessent de grimper. Mettre en œuvre une politique de logement d’abord pour aider réellement les sans-abri. On ne veut pas faire le nécessaire pour empêcher que davantage de personnes ne se retrouvent à la rue, ils prendront les choses en main.
Contact : mutual.aid.ods@gmail.com
Instagram : https://www.instagram.com/street.aid.daily/
Vidéo de Commons sur Street.aid.daily
https://www.youtube.com/watch?v=ARVOijDrwtQ&t=720s
sous-titre : en anglais, français et espagnol.